Après une première collaboration réussie avec Olivier Meier qui traitait le sujet « Pourquoi et comment prendre soin de l’offboarding dans une entreprise ? », nous nous sommes donnés pour mission de répondre à une question qui ne fait pas l’unanimité dans le monde des RH. Faut-il rattraper un salarié qui veut démissionner ?
Qu’est-ce qui peut pousser un salarié à démissionner ?
Les raisons pour lesquelles un salarié pourrait quitter son entreprise sont principalement la non obtention d’une rémunération plus élevée. Mais également pour avoir de meilleures conditions de travail ou des responsabilités nouvelles et élargies. Cela peut aussi comprendre des avantages, tels que la proximité géographique du domicile, une voiture de fonction, des jours de congé supplémentaires (RTT)…
Cependant, les raisons pour lesquelles un salarié pourrait démissionner vont souvent bien au-delà de la simple rémunération et des avantages matériels. Cela peut aussi s’expliquer par le sentiment d’être dans une impasse concernant son évolution professionnelle ou bien un manque de reconnaissance.
De plus, il ne faut pas négliger l’importance de l’image de l’entreprise, sa culture et de ses valeurs. Un salarié déçu par les valeurs de son entreprise, pourrait être tenté de rejoindre une entreprise qui promeut activement ces principes.
Le dernier élément qui me vient en tête est plus difficilement maîtrisable par l’employeur. Il s’agit ici d’un choix voulu ou contraint, émanant de la « stratégie du couple » (choix de vie, carrière du conjoint, contexte familial).
Comment une entreprise peut-elle détecter les signaux d’une future démission ?
Les managers doivent être attentifs à certains signes qui peuvent indiquer un désengagement progressif chez un salarié. Ces signaux incluent :
- Des absences ou retards répétés, même légers : le salarié est en train de se désengager de manière inconsciente. Il est important de noter que des responsabilités familiales ou des problèmes de santé, peuvent influencer ces comportements.
- Des interactions et partages d’idées moins fréquentes en réunion : cela peut indiquer un retrait par rapport à son travail.
- Le constat d’erreurs inhabituelles : tout le monde peut commettre des erreurs occasionnelles, c’est normal. Un salarié qui commence à accumuler des erreurs inhabituelles qui diffèrent de sa performance passée, est un signe.
Il est donc essentiel que les managers maintiennent une communication ouverte et régulière avec leurs employés. Ainsi pour prévenir certains départs et favoriser un environnement de travail sain et productif pour tous.
Y a-t-il des situations où il vaut mieux laisser partir un salarié plutôt que de tenter de le retenir ?
Certaines situations préférable :
- Volonté profonde de partir
- Mésentente culturelle ou relationnelle
- Perspectives d’évolution limitées
- Conflits majeurs (problèmes de confiance irréconciliables, harcèlement ou des problèmes éthiques)
Quelles mesures peut prendre une entreprise pour essayer de retenir un salarié qui veut démissionner ?
La première mesure à mettre en place, c’est d‘identifier le contexte psychologique dans lequel se trouve l’individu. Comme je l’ai expliqué avant, d’arbitrer s’il vaut mieux le laisser partir ou non. Lorsqu’un salarié exprime son intention de démissionner, plusieurs mesures peuvent être mise en place par l’entreprise :
- Favoriser une communication régulière et ouverte.
- Offrir des opportunités de développement professionnel
- Reconnaître et valoriser les contributions du salarié
- Améliorer les conditions de travail
Quels sont les avantages et les inconvénients de tenter de rattraper un salarié qui veut démissionner ?
Les principaux avantages sont les suivants :
- Économie de coût du recrutement : l’entreprise évite les coûts associés au recrutement et à la formation d’un nouveau salarié. Particulièrement pour des postes à responsabilité élevée. (voir l’article de Bruce Work sur le coût réel d’un recrutement)
- Préservation de la connaissance de l’entreprise : si l’employé possède une connaissance approfondie de l’entreprise, sa rétention permet de préserver cette expertise précieuse. Cela peut être difficile à remplacer rapidement.
- Stabilité de l’équipe : le départ d’un salarié peut perturber la stabilité de l’équipe. Cela peut entraînant des questionnements autour de la redistribution des rôles et des compétences.
Cependant, il est important de prendre en compte les inconvénients potentiels de cette démarche :
- Ressentiment des autres employés : si l’entreprise lui offre des avantages, cela génèrera des sentiments d’injustice parmi les autres membres de l’équipe. Certains pourraient se sentir négligés ou dévalorisés.
- Démotivation de l’employé : retenir cet employé, pourrait entraîner une démotivation profonde et un manque d’engagement à long terme.
- Risque de départ ultérieur : il existe un risque que l’employé réitère cette volonté à une date ultérieure. Cela peut compromettre la stabilité de l’entreprise à plus long terme.
Chaque situation doit être évaluée, en gardant à l’esprit la vision à long terme de l’entreprise. Il est important de veiller à prendre des décisions équilibrées qui favorisent un environnement sain pour tous.
Quels conseils donneriez-vous aux employeurs pour maintenir l’engagement et la motivation de leurs salariés afin de réduire les risques de démission ?
Il faut rappeler que le calme apparent ne veut pas dire qu’il n’y a pas déception ou contestation. Quelqu’un qui ne manifeste pas ses émotions sur la durée peut canaliser certaines émotions négatives. Voici donc quelques conseils pour maintenir l’engagement et la motivation de ses salariés :
- Instaurer une culture de l’échange et du feedback. Traduit par des entretiens allant au-delà des discussions d’usages pour cerner comment se situe l’individu…
- Mettre en place une communication claire et transparente. Chaque salarié doit comprendre les objectifs de l’entreprise, les attentes et les changements organisationnels.
- Être attentif pour chaque manager à tout signal d’alerte. Entre autres pour repérer des retards inhabituels, des arrêts-maladie, l’absentéisme, des erreurs inhabituelles, une productivité en baisse…
- Montrer de la compréhension face aux obligations personnels et professionnels des salariés (reconnaissance, conditions de travail…)
- Instaurer un climat de travail agréable, où le respect, l’équité et la collaboration sont encouragés.
Pour finir, il faut avoir en tête que si l’entreprise n’incarne pas une réalité émotionnelle, le salarié peut progressivement se sentir en marge du système. Il y a alors un risque qu’il se mette dans un état d’esprit d’auto-entrepreneur. Cela peut l’amener à envisager d’autres actions professionnelles et le conduire à devenir un travailleur slasheur. J’explique cela dans ma dernière vidéo Xerfi Canal, voire un travailleur en perruque.
Merci encore à Olivier pour avoir répondu à nos questions pour traiter ce sujet complexe !
Pour aller plus loin : voir les travaux de Olivier Meier aux éditions Dunod (ManageMentor, Management interculturel, Diagnostic stratégique…). Également ses chroniques-expert au sein de Xerfi Canal, Harvard Business Review France et dans la revue Management & DataScience. Il est l’auteur d’une soixantaine d’articles dans des revues scientifiques nationales et internationales (International Best Researcher Award I ISSN, 2023 ; FBR Best Article Award, 2017).